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À l’heure de la disparition des supports médiatiques j’ai décidé de me plonger dans l’utilisation de procédés photographiques anciens. C’est pour moi un dispositif documentaire me permettant de fouiller dans le présent. C’est sans doute le côté original de cette démarche qui installe une distance avec mon sujet, une distance remplie de curiosité partagée. Je suis toujours émerveillé quand je réussis à sortir une photo sur un support. autant par la technique nécessaire que par la surprise que je perçois dans le regard des gens avec qui je partage cette expérience.

Je me suis d’abord plongé dans un des tout premiers procédés photographiques : Le collodion humide. Cette technique nécessite de fabriquer une émulsion chimique qui versée sur une plaque de verre (ambrotype) ou de fer (ferrotype), mais il est tout à fait possible d’utiliser d’autres supports comme du plexiglas ou des végétaux. Une fois le support préparé je le dispose dans une chambre photographique en bois et je prends la photo. Ensuite je dois la développer rapidement , avant qu’elle ne sèche. C’est le moment magique où je partage la révélation de la photo: une apparition qui surprend à chaque fois. Ce procédé est sensible aux ultra-violet, un spectre lumineux invisible à l’œil nu. C’est sans doute pourquoi mes sujets ont parfois du mal à se reconnaître sur ces photos. Elles sont comme une radiographie, le reflet d’une autre dimension. Souvent les gens ont l’impression de voir un de leur aïeux à travers leur portrait.

À la différence de l’argentique ces photos sont visibles uniquement sur fond noir . Lorsque le support est transparent c’est un négatif, sur fond noir un positif. L’image est constituée des sels d’argent qui ont été exposés. Le résultat est plus une image argentée et noir , que noir et blanc. Malheureusement aucun écran à ce jour ne sait rendre justice à ce côté argenté et brillant.

En l’absence de négatif , la photographie au collodion humide est un objet unique. Ainsi , aucune reproduction à l’identique de ce support n’est envisageable.

J’ai plus tard lu Walter Benjamin et compris pourquoi ce support me fascinait autant. C’est bien l’aura de l’œuvre originale qui s’en dégage, une émotion que je ne retrouve pas sur les écrans numériques.

L’été 2016 je me suis installé dans une minuscule galerie dans le cadre du festival Voies Off des Rencontres d'Arles. J’y avais disposé sur les murs de jolies cadres dorés mais vides. En entrant dans la galerie les gens me demandaient ou étaient les photos de l’exposition. En guise de réponse je les invitais à s’asseoir afin que je les prenne en photo pour amorcer puis composer mon exposition. La plupart des passants longeant mon petit studio n’avaient bien sûr aucune intention de se faire tirer le portrait au préalable; mais la plupart ont apprécié participer à cette expérience d’un autre temps, et repartir avec un objet solide, leur image sur une plaque à l’épreuve du temps.